Retour Album Bastia (page1)

Entrée

Embarquement sur le Danielle Casanova à Bastia
 

Programme à suivre...

Retour Fin de l'album Bastia (page 4)

  Avec nos billets de traversée, la SNCM nous avait remis un dépliant dont les feuillets intérieurs nous renseignaient sur les conditions de restauration à bord. Mais la page de couverture montrait le visage d'une femme dont le nom se détachait superbement sur la coque de cet imposant paquebot. La dernière page contenait un texte émouvant sur la personnalité exceptionnelle de cette femme corse au destin tragique.
Cette rencontre s'est aussitôt insérée dans les images et les représentations de la vie, de l'histoire de cette île et de son peuple, que je rapporte de ce séjour.
Transcrire ici ce texte me paraît encore évoquer les fortes impressions de notre voyage en Corse.

 

  Quand Danielle arriva, dès qu'elle m'eut donné la main, son regard, je sus qui était Danielle Casanova. Dans les yeux noirs de cette Corse, brillaient la décision, la fermeté, la camaraderie, la sincérité. Son sourire était large, presque naïf, avec quelque chose d'une gaieté enfantine, l'art de savoir se réjouir du bleu du ciel. Ses yeux disaient la joie des fleurs, des cristaux de neige collés contre la vitre. Sa poignée de main était celle d'un homme, d'une camarade, d'une compagne.

  Danielle parlait peu. Très vite, pourtant, elle incarna pour nous toutes un idéal. Elle devint un symbole, et pas seulement un exemple pour les Françaises. De cette intellectuelle, de cette personnalité politique de grand style rayonnait un charme enchanteur. Elle n'avait pas le retranchement des intellectuels, mais au contraire une façon particulière d'approcher et d'attirer à elle les couches sociales les plus différentes, les opinions politiques les plus divergentes.

  A chacun elle savait parler dans son propre langage. J'avais l'impression qu'elle avait elle-même  vécu tous les sorts. Avec quelques phrases, elle réussissait à vous envelopper, vous embrasser. Il vous semblait avoir toujours connu son visage et que ses bras vous avaient déjà sauvé. Guidée par un instinct très sûr, elle savait qui avait besoin d'être aidé et comment il convenait d'aider : à l'une, des arguments politiques, à l'autre un morceau de pain, à la troisième un chant révolutionnaire ou un entretien privé. Elle savait à qui suffisait un regard et à qui une poignée de main était l'encouragement nécessaire.

Marica Svalbova, doctoresse tchèque à Auschwitz, décrivait ainsi l'arrivée de Danielle Casanova dans le camp.
En mai 1943, Danielle mourait à Auschwitz, du typhus.