Quand Danielle arriva,
dès qu'elle m'eut donné la main, son regard, je sus qui était Danielle
Casanova. Dans les yeux noirs de cette Corse, brillaient la décision, la
fermeté, la camaraderie, la sincérité. Son sourire était large, presque
naïf, avec quelque chose d'une gaieté enfantine, l'art de savoir se
réjouir du bleu du ciel. Ses yeux disaient la joie des fleurs, des
cristaux de neige collés contre la vitre. Sa poignée de main était celle
d'un homme, d'une camarade, d'une compagne.
Danielle parlait peu. Très vite, pourtant,
elle incarna pour nous toutes un idéal. Elle devint un symbole, et pas
seulement un exemple pour les Françaises. De cette intellectuelle, de
cette personnalité politique de grand style rayonnait un charme
enchanteur. Elle n'avait pas le retranchement des intellectuels, mais au
contraire une façon particulière d'approcher et d'attirer à elle les
couches sociales les plus différentes, les opinions politiques les plus
divergentes.
A chacun elle savait parler dans son
propre langage. J'avais l'impression qu'elle avait elle-même vécu
tous les sorts. Avec quelques phrases, elle réussissait à vous
envelopper, vous embrasser. Il vous semblait avoir toujours connu son
visage et que ses bras vous avaient déjà sauvé. Guidée par un instinct
très sûr, elle savait qui avait besoin d'être aidé et comment il
convenait d'aider : à l'une, des arguments politiques, à l'autre un
morceau de pain, à la troisième un chant révolutionnaire ou un entretien
privé. Elle savait à qui suffisait un regard et à qui une poignée de
main était l'encouragement nécessaire. |