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Réponse écrite à un élève de sixième se posant la question :

 À quoi sert le symbole  dans la vie réelle ?

Pour pouvoir répondre à cette question, il faudrait déjà s’entendre sur le sens que chacun met derrière l’expression “ vie réelle ”. La “ vie réelle ” n’est pas la même selon ce que l’on “ fait dans la vie ” à une époque donnée, à un âge donné, et selon ses propres centres d’intérêt.
Par exemple, si je ne suis pas moi-même collectionneur, je peux penser que collectionner des cartes de téléphone ne sert à rien dans la vie réelle. D’autre part, il est évident que cette activité, qui procure sans doute du plaisir à ceux qui s’y adonnent, n’aurait pu s’accomplir tant que les cartes de téléphone n’avaient pas été inventées et répandues dans la société française ; c’est-à-dire avant la fin des années 1980. Remarquons encore qu’actuellement, selon les pays, on ne se sert pas forcément de cartes téléphoniques pour les téléphones publics ou portables, et que certains pays ne possèdent même pas de téléphones publics, donc n’ont pas même la possibilité de se poser la question !
On voit donc que les questions “ à quoi sert la carte de téléphone dans la vie réelle ? ” et “ à quoi ça sert de les collectionner dans la vie réelle ? ” n’ont de sens que par rapport à ce que l’on conçoit être la vie réelle et que cette notion change selon les personnes, ce qu’elles font, les pays où elles vivent et leur histoire. Il en est de même pour la question “ À quoi sert le symbole  dans la vie réelle ? ”
 

Nous allons cependant tenter de fournir une réponse qui devrait être compréhensible dès la classe de 6e, car selon l’histoire, elle a été donnée à Athènes à un esclave grec qui ne savait ni lire ni écrire, par un philosophe grec du nom de Socrate en 402 avant J-C ; il y a donc 2407 ans ! Pour découvrir le symbole , ce n’est donc pas la peine de se plonger dans la science-fiction pour un voyage vers le futur, mais seulement d’emprunter une machine à remonter le temps afin de retrouver la vie réelle de certains grecs de cette époque éloignée.

La question est posée dans le dialogue qu’a Socrate avec un esclave d’un certain Ménon. Nous donnons ci-dessous l’histoire que nous transformons un peu afin de la raccourcir et la rendre plus facilement compréhensible.
Socrate montre à l’esclave un carré, dessiné sur le sol, et que nous déciderons de choisir de côté égal à 1 m. Il s’assure que l’esclave possède cependant quelques connaissances, et après que l’un et l’autre aient convenu que l’aire de ce carré est 1 m2, il demande à l’esclave s’il n’existerait pas un carré, dessiné au sol, dont l’aire serait le double de l’aire de celui-ci. L’esclave répond que ce carré existe certainement et que son aire sera 2 m2.
La question est de savoir quelle serait la longueur du côté d’un tel carré, et comment faire alors pour le dessiner.
 

On peut se demander si cette question a un quelconque rapport avec la vie réelle. Elle n’a sans doute aucun rapport avec la vie de cet esclave dont le maître n’attend certainement pas qu’il sache doubler des aires de carrés ! Mais cette question, posée en mathématiques, n’est pas dépourvue de sens pour la vie réelle de certaines autres personnes de la société grecque de cette époque. Imaginons simplement que l’on ait demandé à un architecte du Ve siècle avant J-C de concevoir une place carrée ou une pièce carrée, d’aires doubles de celles d’une place carrée ou d’une pièce carrée déjà existantes : comment s’y prendrait-il pour déterminer la longueur du côté de la place ou de la pièce ? On voit que la solution à ce problème de la vie réelle, pour cet architecte, passe par la solution du problème posé par Socrate à l’esclave. 

Revenons donc à la solution à laquelle aboutissent Socrate et l’esclave. Pour cela, quelques figures sont nécessaires :

 
 
Voici donc le carré de côté 1 m dont on veut doubler l’aire.


 
On trace une des deux diagonales :
elle partage ce carré en deux triangles rectangles
d’aires égales à la moitié de l’aire du carré.

Il suffit maintenant de tracer le carré qui a pour côté cette diagonale pour obtenir alors le carré d’aire 2 cm2 que l’on recherche.
En effet, ce nouveau carré est composé de quatre triangles rectangles qui ont chacun pour aire la moitié de celle du carré de départ. L’aire de ce nouveau carré, égale à quatre fois la moitié de l’aire du carré initial, est donc deux fois l’aire de ce carré initial. On a donc répondu à la question.


 

 Évidemment, sur cette figure, on constate que le nouveau carré n’est pas disposé “ dans le même sens ” que le carré initial ; ce qui semble ne pas régler le problème de l’architecte. Cependant, il lui suffit maintenant de reporter, à l’aide d’un grand compas ou d’une corde, la longueur du côté du grand carré ainsi trouvé, pour construire là où il le souhaite,@ et dans la disposition qu’il souhaite, la place ou la pièce demandée. 

Mais on pourrait aussi se dire qu’au lieu de reporter cette longueur, on pourrait peut-être la calculer, afin de trouver le nombre qui la mesure. Ce nombre a pour nom la racine carrée de 2 car, lorsqu’on le multiplie par lui-même, opération qui en mathématiques consiste à l’élever au carré (comme pour la figure), on trouve 2. On le note . Il n’est pas facile de le calculer, d’en obtenir des valeurs approchées précises. Heureusement, depuis une trentaine d’années, les calculatrices savent le faire. En 4e, on apprend à se servir de la touche qui permet de le faire, en 3e on apprend à faire des calculs avec des nombres qui sont des racines carrées, et en 2de on prouve que ce nombre est un peu de la même espèce que π.