Espace culture

Poèmes de Mario Scalesi
Traduction : élèves et professeurs
de la Section Internationale d'Italien du lycée Marseilleveyre

Documents communiqués par le professeur Claude Dupré


L'ACCIDENT

L'instant où j'ai cessé de vivre,
Je le verrai longtemps encor.
(Quand l'espoir a fermé son livre
On peut bien dire qu'on est mort).

Muse, je veux que tu célèbres
Ce vieil et banal escalier
Qui, m'ayant brisé les vertèbres,
Me force à ne point l'oublier.

Tu connais l'histoire, je pense,
Puisque étaient par toi visités
Ces fantasques rêves d'enfance
Où riaient mes naïvetés.

C'était Noël. L'hiver d'Afrique,
Cet hiver aux avrils pareil,
Fleurissait dans l'air balsamique;
Sous les dorures du soleil.


Mario Scalesi
1892-1922
Poèmes d'un maudit
( 1ère édition 1923 )

 

J'allais là-haut chercher des cartes.
Une coutume d'autrefois
Voulait que l'on jouât les tartes,
Les fèves cuites et les noix.

L'escalier était un peu sombre.
Heureux, je rapportais le jeu,
Lorsque mon pied glissa dans l'ombre
Comme je songeais au ciel bleu.

On dit que, fuyant le suaire,
Parfois, la nuit, un trépassé
Hante sa chambre mortuaire
Pour y revivre le passé.

Et ces macabres escapades,
Voyez comme on les nie à tort:
Je sens fuir mes pensées malades
Vers l'escalier où je suis mort.

 

Mario Scalesi, fils d'une pauvre famille d'émigrés siciliens en Tunisie, resta infirme, à cinq ans, bossu et boiteux, après une chute dans l'escalier de la maison familiale. C'est dans les écoles françaises de Tunisie qu'il fit ses études. Malade de tuberculose, il s'éteignit à trente ans, en 1922, laissant des poèmes qui furent publiés l'année suivante.