Guernica

Art : GUERNICA, la tragédie sublimée

 

Picasso face à l'événement : Dans Guernica..., j'exprime clairement mon horreur de la caste militaire qui a fait sombrer l'Espagne dans un océan de douleur et de mort.

J'ai toujours peint pour mon temps... Je n'évolue pas, je suis. Il n'y a en art ni passé ni futur. L'art qui n'est pas dans le présent ne sera jamais. ...

La lecture (clic) de Guernica s'organise sur deux niveaux :
 

. le niveau de l'événement
.
le niveau de la transposition mythique

Au niveau de l'événement, Guernica n'est pas une scène de bombardements, de ville incendiée, de mitraillages de civils affolés courant au milieu de ruines fumantes en quête d'un abri. Aucune allusion directe à des circonstances politiques particulières ou à des lieux identifiables. Toute représentation directe d'une réalité de l'époque a été écartée.

Au niveau de la transposition mythique, le tableau de Picasso, oeuvre de l'art engagé, est une allégorie historique qui ne prend parti qu'en se servant de moyens symboliques. Mais il n'est pas un rébus à résoudre à l'aide des figures représentées.

 

La fonction de signes et symboles de ces figures est multiple

Ces figures jouent comme des lignes de force visant à dénoncer à la fois, le crime contre la petite ville basque, et contre tout un peuple. Guernica devint rapidement le symbole des destructions massives de la guerre moderne. En ce sens, on a pu dire que ce tableau Guernica était une prémonition apocalyptique de la Seconde Guerre mondiale.
  

La représentation élaborée par Picasso exige que le spectateur ne reste pas passif mais, bien au contraire, qu'il questionne, pour comprendre, les signes que l'artiste a mis en oeuvre.

Nous pénétrons dans cette scène, nous avançons avec une émotion grandissante dans son univers d'angoisse, de souffrances et de mort.

 

Les différentes phases d'évolution du tableau

.Ces différentes phases dont témoignent les 45 études (clic)  et toute une série de photographies, ont porté moins sur les thèmes que sur leur meilleure lisibilité. La composition horizontale, très allongée, réunit sept figures ou groupes de figures. Leur disposition en est claire et très raffinée, en triptyque rappelant les retables chrétiens.


Composition du tableau

Deux groupes occupent les plans latéraux, à droite et à gauche. Entre ces deux groupes, et s'appuyant sur les diagonales du tableau, la composition forme approximativement un triangle (clic), dont la base est le guerrier mort, son bras arraché tenant encore une épée brisée, le côté droit, la femme ployée qui avance dans une large enjambée et au centre, le cheval blessé, le cou douloureusement contorsionné vers la gauche, et qui hurle frappé à mort par une lance.


Au-dessus de la tête du cheval, le sommet de ce  triangle est signalé par une source de lumière, telle un grand oeil divin, entouré d'une couronne de pointes. Une ampoule à la place de la pupille. Cette image peut aussi évoquer le soleil ou une lampe électrique qui explose...
Une femme tient un flambeau à bout de bras. Son visage jaillit comme une flamme de la fenêtre de la maison incendiée à droite, devant laquelle une autre femme, les bras levés au ciel, crie, terrifiée, aspirée par les flammes de l'incendie de la maison. A gauche, la bouche creusée par un cri de rage qui la défigure, une mère porte dans les bras son enfant mort, sous la masse impassible du taureau, au regard humain de Minotaure, qui semble les protéger.

 

Comprendre Guernica...

Les interprétations de ces figures peuvent différer, s'opposer même... En dépit de l'énorme intérêt que Guernica suscita de son vivant, Picasso refusa obstinément d'en commenter le symbolisme. Seule indication qui nous est donnée : le cheval martyrisé est l'allégorie du peuple qui souffre.


La femme ployée paraît progresser lentement vers le cheval comme pour l'assister dans son agonie, s'unir dans la souffrance de sa révolte vaincue. Le soldat est mort en héros pour défendre la vie, l'enfant n'a même pas eu le temps de vivre et la mère, défigurée par la douleur, se retourne contre le taureau pétrifié pour lui crier sa haine. Le soleil éclate, mais une femme surgit brandissant un flambeau. Et à l'endroit même où l'épée du guerrier s'est brisée, une frêle fleur s'épanouit timidement.

 

Guernica, les couleurs du deuil

Nous savons que les premières études pour Guernica étaient réalisées en couleurs, mais...
Picasso a choisi délibérément le noir et le blanc pour couleurs et toutes les nuances du gris pour développer ce drame de la mort. Il manie les éclairages violents, pour souligner les zones d'ombre et de lumière semblables à celles d'une arène de corrida où se joue une lutte à mort entre le taureau, le cheval et l'homme. Le taureau symbolise la force brutale du peuple triomphant. C'est le mythique et monstrueux Minotaure qui intervient pour introduire une présence ambiguë et menaçante. 

 

Une immense fresque d'un effet monumental, mais non pas oppressante

 Guernica exerce une  véritable fascination sur le spectateur, transporté soudainement dans ce huis clos ésotérique de l'épouvante et de la douleur.
C'est en peintre que Picasso s'est opposé et a répondu à la barbarie...
  

Il se sert de l'allégorie
pour donner à la figuration de ses idées
l'ampleur de l'épopée.

Il universalise une symbolique tout d'abord conditionnée par l'événement politique, (mais dans Guernica toute détermination de lieu est impossible).
*Ce tableau a été salué comme l'œuvre la plus représentative du XXe siècle, par son degré d'achèvement, sa force de conviction et la combinaison de styles propres à Picasso (motifs et formes) et le fonds de l'histoire de l'art occidental. Les critiques d'art ont retrouvé des influences de grands peintres (Raphaël, Rubens...) et les thèmes traditionnels de l'art occidental.