Accueil

GUERNICA - Étude de la composition

Esquisses

Cette œuvre a été abondamment commentée par les critiques d'art et les spécialistes de Picasso. Si des divergences peuvent apparaître dans leur interprétation des signes, symboles et allégories, en revanche il semble y avoir consensus sur la composition rigoureuse de l'œuvre.
Trois panneaux "racontent" l'événement. Des lignes de force formant des triangles plats et partant du haut du tableau, au centre, réalisent l'unité dramatique de l'évocation.

 

Les nombreuses symétries et correspondances dans la composition, le travail minutieux des volumes et des "couleurs" dans les moindre détails prouvent la rigueur dans la réflexion et la recherche (opposition lumière/ténèbres, médiation des gris et des volumes structurant les aplats). La volonté d'équilibre et de lisibilité est évidente entre le panneau de gauche (la tête du taureau dans la lumière, regard impassible, naseaux dilatés), et le panneau de droite (la femme hurlant dans la lumière des flammes de l'incendie). À la masse noire du corps du taureau correspond à droite la masse sombre de la maison qui engloutit tel un tombeau sa victime. Mais, s'encadrant entre les pattes du taureau,  le désespoir hurlé de la mère, tête levée vers le ciel, son enfant mort dans les bras, s'exprime en une figure de lumière.

 

La volonté d'équilibrer les volumes et les couleurs dans le tableau, en dépit d'une impression d'enchevêtrement des pattes et des corps, est également évidente dans la base du tableau où gît le corps du soldat décapité, (bras arraché, l'extrémité du pommeau de l'épée se situant exactement sur la médiane verticale et virtuelle du tableau). A droite un pied énorme répond à la main grande ouverte du guerrier, à gauche.

 

La partie centrale est occupée par le cheval [symbole du peuple qui souffre] blessé à mort, le corps convulsé dans les spasmes de l'agonie, la tête exprimant la douleur [de la liberté expirante], dans une torsion extrême du cou . L'enchevêtrement des corps, des pattes, les insertions de surfaces colorées ou au contraire blanches, les lignes structurant le corps du cheval donnent une réelle impression de champ de bataille et de mouvements désordonnés, et attestent d'un style maîtrisé et méticuleux.

Guernica, symbole historique de la terreur guerrière.

Ce qui caractérise Guernica, c'est la synthèse, réalisée dans ce tableau en 1937, des  recherches picturales de son auteur, des différents styles et courants artistiques qu'il a traversés, assimilés, dépassés à cette période, (Picasso a alors 56 ans).
Certes on y voit toujours le principal fondateur du mouvement cubiste. Mais Picasso a créé son univers plastique personnel, hors routines et conventions, tout en sachant qu'il encourait les risques de l'incompréhension et de la désaffection.

  


Dans Guernica s'exprime tout un monde organisé par l'artiste :
. Harmonie de la composition, de la gestion de l'espace, du dessin, des couleurs, du mouvement au service d'une intensité expressive maximale.
. Figures épurées, stylisées, dont le schématisme "archaïque" universellement compréhensible renforce le pouvoir émotionnel : influence de Van Gogh et Gauguin, des arts primitifs découverts en 1904, des surréalistes, de l'expressivité du dessin enfantin.
. Déformations, distorsions qui peuvent apparaître parfois monstrueuses. Personnages vus de face et de profil ( recherche de la 3D sur la surface plane du tableau...).
. Élimination délibérée de tout effet de perspective ou d'éclairage.
. Travail primordial sur la structure qui apparaît comme la véritable force de l'œuvre.
. Mise en scène purement graphique.
. Activité de chef d'orchestre dans la distribution de formes fragmentaires, imbriquées les unes aux autres, d'aplats soigneusement ordonnés pour contribuer à l'équilibre harmonieux du tableau.
. Désir de suggérer le mouvement par ce jeu de distribution des formes fragmentées.

Haut de page. Détail de Guernica